Dimanche 17 Juillet, c’était l’étape du Tour 2011 pour les
amateurs. L’étape retenue était celle du massif central, où Thomas Vöckler a
pris le maillot jaune.
210 km entre Issoire et St Flour. 8 cols répertoriés :
3 de Seconde catégorie ; 3 de troisième, et 2 de quatrième. Pour un dénivelé
>0 total de 3800 m.
Ci-dessous un récit de cette longue journée (une
portion au milieu n’est pas de moi, mais j’ai trouvé ça très bon !)
En vérité, ce dimanche, nous avons basculé dans une autre
dimension : celui des martiens, ou d’une autre planète inconnue où
les terriens, et encore moins les cyclistes, n’ont pas leur place, et où
seules les quelques bêtes cornues, à viande ou à lait, osent encore s'aventurer, quelque soient les saisons…et la météo !
Réveil à 4h15 : 4h30, comme prévu, il commence à
pleuvoir, et pas que du crachin ! Ce sera grosso modo non stop jusqu’à
18h !!
Départ 7h pour les premiers SAS et vers 8h pour les
derniers : normalement, la pluie n’a jamais découragé un cycliste, et
encore moins un triathlète, donc en avant toute !!
Dans le SAS au départ, un camarade de jeu, qui semble bien
connaître le coin me dit : ‘en haut de Massiac, on va prendre vent de face
sur le plateau pendant 20 bornes : ça va faire mal’.
Nous voilà parti : la prudence est de mise sur cette
chaussée glissante. Après 40 km de légers faux plat en fond de vallée, la côte
de Massiac se profile. 3 ème catégorie : une espèce de Gineste de 4 km.
Montée tranquille : tant que je n’ai pas franchi Puy
Marie et Perthus, les 2 difficultés majeures du jour, je préfère garder des
forces. Au milieu de la montée, Cédric me reprend et me décroche au
train après avoir échangé quelques mots de réconfort.
'Lorsque soudain, au sommet de Massiac, nous quittons la
planète terre et nous retrouvons projeté à des années lumières sur une autre
galaxie, sans capitaine flamme........ Vent violent 3/4 face, pluie en rafale,
le thermomètre descend jusqu'à atteindre 6 ° au sommet du col de je sais pas
quoi à 1200 m juste avant Allanche. Entre temps, c'est de la boucherie,
le vent envoie dans le fossé les coureurs les moins adroits, les pelotons
s'étirent, se cassent, se reforment, ça gueule de tous les cotés dès que les
mecs font un écart, sauve qui peut. Je n'ai jamais connu des conditions aussi
apocalyptiques, même dans mes cauchemars les plus fous. Je suis en mode
économie d'énergie.... car c'est bien connue, l'énergie est notre avenir... et
le mien d'avenir je le vois pas bon du tout dans les prochaines heures.' Je commence à plus pouvoir maitriser mes doigts, je m'enfile mon second
gel anti oxydant depuis le départ, par précaution.
'Dans les 3 km de descentes sur Allanche, je réalise que je
peux à peine freiner. J'aperçois un troupeau d'extra-terrestre dans le paysage
avec des cornes et au pelage marron rassemblées face au vent en peloton,
s'abritant les une les autres...'
Je descend sur les freins, avec les premiers tremblements de
mâchoires...
Arrivée à Allanche : l’hécatombe : des troupeaux de
cyclistes hagards, agglutinés devant des rôtissoires à poulet ; d’autres
errant, pris de spasmes congestifs ; d’autres en limite d’hypothermie,
emmitouflés sous des couvertures de survie. Des bénévoles gentils mais
débordés. A ce moment là, un seul objectif : passer le moins de temps
possible ici, car il en faudrait très très peu pour se laisser entraîner et
bâcher. Je claque des dents, mais je crois avoir encore assez de force pour
avancer contrairement à beaucoup, déjà livides et frigorifiés. Malheureusement,
pas de boissons chaudes à ce ravito (ou alors pas vu). J’ingurgite mon premier sandwich
jambon/fromage, une banane, un nouveau gel, et je repars, toujours en claquant
des dents, avec l’objectif du Puy Marie et du Perthus, les 2 difficultés
majeures du jour. Après 30 bornes de petites bosses, j’attaque le Puy Marie.
Curieusement, je croise quelques cyclistes en sens inverse : ça sent pas
bon ! qu’est ce qui nous attend encore là haut !! Le col se fait dans
le froid et le brouillard, j’entends des cloches, et j’imagine donc les vaches
pas très loin, mais invisibles. Mon portable bip et me signale un
message : je me dis que ça doit être Brigitte et que c’est mauvais signe.
La fin du col est super raide, avec 2 derniers km dans les 10% de moyenne, ce
qui a l’avantage de me réchauffer. 2 deg au sommet : autant ne pas traîner
en short par là. Après 500 mètres de descente, je suis de nouveau réfrigéré. 7
km de descente à 25 km/h max : au passage, dans le virage dit de
‘Vinokourov’, je me dis qu’il s’en est pas si mal tiré. En bas nouveau ravito
(j’écoute mon message et effectivement Brigitte m’annonce qu’elle est avec la
bande (Cédric, Hervé, JPP, Christine) dans un café au 1er ravito : je suis déçu, mais en même
temps content de la savoir en sécurité au chaud). Ici y a du café :
YES !! une boisson chaude, ça fait vraiment du bien. J’engouffre mon
second sandwich et une 3 ème pâte de fruit : il faut bien ça avant
d’attaquer le Perthus (2 ème catégorie – 4,5 km à 8% de moyenne avec 1 km de
descente au milieu !), 1 km plus tard. Virage à gauche, et là une rampe de
psychopathe se dresse devant nous : le début du col est vraiment très raid
avec passages à 13 ou 14% , tout à gauche bien sûr, et à 7,5 km/h !!
2 km, avant un plat /descente bienvenu, puis de nouveau 1,5 km à 11 ou
12%. Heureusement que c’est court. Dans ce col quelques éclaircies, qui,
couplées à la pente, nous réchauffent définitivement ce coup ci. Maintenant je
sais que j’irai au bout (sauf casse ou défaillance physique). A partir de là,
c’est un régal, on roule en petits groupes : j’avoue, je prend pas
beaucoup de relai !! le parcours est très vallonné : les bosses
entre 5 et 7% se succèdent aux bosses, sur 3 ou 4 km à chaque fois : col
de Cère, col de la Chevade, Col du Prat de Bouc (8 km à 6%), château d’Alleuze.
Ca finit jamais, mais plus on avance, et plus l’euphorie me
gagne. Je me surprend dans certaines portions à crier tout seul tellement rien
ne peut plus m’arriver après tout ce qu’on vient de vivre. Je croise un gars
avec son vélo à la main, la patte de dérailleur cassée : oups rappel à
l’ordre, ne pas s’enflammer. La fin de parcours se fait tambour battant, dans
les roues à 35/40 km/h, avec toujours cette pluie plus ou moins forte par
moment. Le compteur défile 170 , 180, 190 km. C’est une sensation bizarre
et très inhabituelle pour moi, de voir tant de km au compteur, et d’avoir
autant de jambes pour pouvoir encore relancer. Je crois que je n’ai jamais été
aussi bien après autant de kilomètres.
Enfin, la délivrance, 208 km : une dernière montée de
1,5 km à 6% pour passer sur la ligne. J’aperçois Brigitte et une partie de la
troupe dans le dernier virage : ça me fait chaud au cœur ; je sais
qu’ils doivent être très déçus, d’autant de préparation pour bâcher à cause
d’une météo complètement exceptionnelle. Mais cet échec est tout relatif ramené
à ces conditions de course.
Je franchis la ligne en un temps de 9h50, ce qui est bien au
dessus de toutes mes prévisions. Mais aujourd’hui, ce n’était pas là le plus
important.
Durant ces 10 h, j’aurais consommé 6 gros bidons, 7 gels, 5
pâtes de fruit, 2 bananes et 2 sandwich, et le saucisse Truffade de l’arrivée y
sera passé en 5 mn.
Sur 10 au départ, nous serons 4 du groupe à passer la ligne
d’arrivée (Yves, JC, Moi et Fred encore très costaud malgré un entraînement tronqué sur les
dernières semaines).
Bilan : 6500 inscrits sur cette course. 4000 ont osé prendre
le départ. 1980 à l’arrivée.
Ci-dessous l’article du quotidien la Montagne
4.056
au départ, 1.982 à l'arrivée. Cette statistique illustre à elle seule le degré
de difficulté de l'étape Mondovélo qui s'est disputée hier. Olivier Rezel
«C'était
l'enfer ! » La ligne d'arrivée tout juste franchie, après plus de
neuf heures d'efforts, Thierry ne peut retenir ses larmes, dans les bras
de sa compagne. L'épuisement et le froid sont venus à bout de sa résistance.
Et
de la résistance, il en fallait une sacrée dose, hier, pour affronter les
conditions dantesques qui ont émaillé les 208 km de l'étape Mondovélo
reliant Issoire à Saint-Flour. Refroidis par les prévisions météorologiques,
seulement 4.056 des 6.500 engagés s'étaient présentés sur la ligne de départ.
Mais
lorsqu'ils donnent leurs premiers coups de pédales, les coureurs sont loin
d'imaginer le chemin de croix qui les attend. Première station : le
plateau du Bru (commune de Charmensac), après la côte de Massiac. Des rafales
de vent balayent la route. Même les motards de l'organisation ont du mal à
tenir leur deux-roues. Le brouillard et le froid donnent au plateau une
atmosphère de fin du monde. « J'avais la moitié du visage paralysé. Mes
doigts étaient secoués par des spasmes », observera, plus tard, Geoffray
Wolvert, de Courbevoie, au ravitaillement du col de Prat-de-Bouc.
Au
kilomètre 66, un couple d'agriculteurs de Chavanon accueille à son
domicile les coureurs frigorifiés. Un vélo, puis deux, puis dix s'amassent
devant la ferme de Serge et Florence. La maîtresse de maison sort des placards
tous ses draps de bain pour couvrir les cyclistes.
Ceux
qui n'ont pas eu la chance d'être hébergés par ces agriculteurs trouveront
refuge, un peu plus loin, à Allanche. Les commerces sont pris d'assaut. « On
était une trentaine à s'être abrités dans une boucherie. Tout le monde
tremblait, claquait des dents. C'était l'apocalypse », raconte Bruno
Mestre, qui avoue « abandonner très rarement ». Mais aller plus
loin était au-delà des forces du coureur de Digne-les-Bains.
Et
il n'était pas le seul. Devant cette hécatombe, la salle polyvalente est
ouverte en catastrophe pour accueillir tous ceux qui sont en grande difficulté.
« Certains étaient tétanisés au bord de la route, agrippés à leur vélo.
Mais il n'y avait plus de place dans les ambulances », relève Laurent, de
l'équipe médicale Dokever. Épuisés, en hypothermie, près de 600 coureurs
ne dépasseront pas Allanche. Et pour ceux qui résistent, le Puy Mary se profile
à l'horizon... bouché, forcément. Au sommet, à 1.589 mètres d'altitude, la
température est de 2° ! Rien ne leur sera épargné.
À
14 h 40, « radio Mondovélo » annonce que 200 cyclistes, à bout
de forces, attendent en haut du Col du Font de Cère qu'un bus vienne les
chercher. La sélection naturelle continue.
Mais
plus on avance dans la course, plus les coureurs refusent toute idée d'abandon.
Dans le poste médical avancé du col du Prat-de-Bouc, à 54 kilomètres de
l'arrivée, Matt Sutton se fait masser un mollet. Vraisemblablement une
tendinite. « Il faut que vous buviez. En vous déshydratant, vous favorisez
les crampes », conseille Lisiane, infirmière. L'Anglais remonte sur son
vélo, bien décidé à finir la course.
Après
un temps plus clément, la pluie vient à nouveau arroser la côte du château
d'Alleuze. Mais Saint-Flour est proche. « J'ai pas fait tout ça pour
m'arrêter là », souffle un concurrent, le visage grimaçant d'effort.
Enfin, la montée des Orgues, puis la ligne d'arrivée. La délivrance et un
sentiment de victoire bien justifié pour les 1.982 participants qui finiront la
course.
Article Vélo 101 :
211 kilomètres, 3800 mètres de dénivellation, 8 difficultés
majeures parmi lesquelles le Pas de Peyrol, le Perthus, et le Prat de Bouc.
L'acte II proposé cette année était le deuxième plus long parcours jamais
proposé aux cyclos après Limoges-Saint-Flour. Est-ce lié à Saint-Flour ou au
cantal ? Toujours est-il que le parcours s'est révélé être le plus court de
l'histoire pour beaucoup d'entre nous. Disons 70 kilomètres, la distance
Issoire-Allanche, premier ravitaillement mis en place qui s'est révélé être le
terminus des illusions mais surtout du calvaire pour beaucoup de coureurs.
6500 inscrits pour cette acte II, 4500 au départ donné sous la pluie, déjà
certains avaient anticipé et préféré remettre à plus tard leur découverte du
Cantal et des ses plateaux exposés au vent mais splendides quand la météo est
de la partie. Première partie de parcours couleur carte postale avec notamment
la remontée de la vallée de l'Allagnon où ça roule vite au sein de gros paquets
sur une route en parfait état. Passage sur un pont bucolique et étroit,
histoire d'amincir un peu les paquets puis remontée vers la côte de Massiac ou
Thomas Voeckler a lancé son offensive le dimanche précédent. Tout se déroule
parfaitement bien, chacun ayant choisi les options manchettes, gants longs,
couvre-chaussures et plusieurs couches isolantes si possible.Au lieu d'être un moment de plaisir, la descente de Chavanon s'est révélé être le catalyseur de décision pour beaucoup. Trop froid, trop engourdis, pas en mesure de maîtriser le vélo et de changer de plateau ; pour beaucoup, c'en était trop et le souvenir de la chute de Vinokourov dans la descente du Pas de Peyrol a du encore raviver la préférence pour le choix de mettre la flèche à Allanche et profiter de l'hospitalité, de la gentillesses des commerçants du village qui ont été inondés de cyclistes venus se réchauffer dans la boucherie, la boulangerie, le bistrot, entre autres. Le tout sans argent le plus souvent donc des coureurs incapables de faire marcher le commerce local et qui en plus empêchaient les "vrais" clients d'accéder. Tout s'est très bien passé et il faut souligner la cordialité des locaux qui étaient désolés qu'une telle météo, un 17 juillet, vienne montrer un "autre" visage du Cantal..
Pour les courageux, les guerriers, ceux qui ne flanchent pas à Allanche, place à Dienne puis la montée du Pas de Peyrol, où les 3 derniers kilomètres ont été effectués dans le brouillard, à la limite de la neige, et par une température de 3° maximum. Mêmes conditions pour le Perthus, autant dire qu'il fallait sérieusement s'alimenter et être attentif pour espérer toucher de meilleures conditions météo, surtout à partir du sommet de Prat de Bouc. 160 kilomètres dans des conditions météo terribles et les 50 derniers pour commencer à se réchauffer avant d'arriver sur Saint-Flour, pour profiter de la truffade-saucisse bien méritée et de la médaille de finisher qui ne sera pas galvaudée, et qui était plus que méritée.
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